Le préfet revient sur le terrain

Publié le 23 octobre 2012

Il en redemandait ! Enchanté par la visite organisée de quelques exploitations emblématiques de Haute-Garonne lors de son arrivée, il y a 2 ans, le Préfet de région, Henri-Michel Comet, avait souhaité réitérer l’expérience afin de garder le contact avec les agriculteurs locaux et mieux connaître leurs préoccupations. Ce fut chose faite, le 19 octobre dernier.

« L’irrigation n’est pas un luxe »

Henri-Michel Comet n’ayant pu se libérer pour la visite d’exploitations organisée pour l’arrivée du nouveau DDT, Philippe Kahn, la Chambre d’Agriculture 31 a renouvelé l’invitation, cette fois chez Alain Cerruti, à Lavelanet de Comminges. Le Préfet ne pouvait mieux tomber que chez cet agriculteur en polyculture élevage, qui condensait une large partie des problématiques sur lesquelles la Chambre d’Agriculture souhaitait interpeller l’administration. Installé sur 93 ha, Alain Cerutti élève 70 Blondes d’Aquitaine, vend des broutards et fait un peu d’engraissement. Il cultive du maïs consommation, du maïs pop corn, du chanvre et dispose de 55 ha de prairies. Situé en zone de captage, Alain Cerutti sait fort bien ce que gérer l’eau veut dire. Membre du réseau de référence « Irrigation » et très à la pointe en matière d’équipement, il traque le moindre gaspillage d’eau et optimise au maximum les volumes dont il dispose. Mais surtout, il ne peut s’en passer. « Ici, irriguer n’est pas un luxe mais une nécessité », déclarait-il au préfet. « Et il y a un seuil en dessous duquel on ne pourra pas descendre en matière d’économie d’eau. La création de ressources est donc un enjeu majeur pour cette région. » Message apparemment bien entendu par Henri-Michel Comet, qui a aussi pu toucher du doigt les problématiques de transmission de l’exploitation, de pression foncière liée à l’urbanisme et aux gravières voisines ou encore de l’empilement des contraintes administratives et environnementales.

Un débat pas très protocolaire

C’est justement compte tenu des nombreuses échéances qui attendent l’agriculture (PAC, zonages, irrigation, etc.), dont Alain Cerutti était le parfait exemple, que les élus Chambre d’Agriculture et du syndicalisme majoritaire ont tenu à organiser un temps de discussion avec le préfet et le directeur de la DDT. Dans la mairie de la commune voisine, tout le monde s’est donc retrouvé pour échanger les points de vue et positions des uns et des autres sur ces dossiers sensibles. Chaque dossier était exposé au préfet par son responsable professionnel agricole. Tout y est passé. L’élevage bovin et laitier, l’installation, l’irrigation, l’organisme unique, le foncier, la directive nitrates, les trames vertes et bleues, les Zones Défavorisées, les circuits courts… Très vite, les exposés sont devenus moins formels et une vraie discussion s’est engagée entre un Préfet très à l’aise et des agriculteurs ravis de pouvoir parler sans détour à un interlocuteur de poids. Car Henri-Michel Comet cumule un certain nombre de casquettes, comme il l’a rappelé : Préfet de Haute-Garonne, de la région Midi-Pyrénées, du massif pyrénéen, du bassin Adour-Garonne et du bassin laitier du Sud-Ouest… Une occasion de faire passer des messages que n’ont pas manqué de saisir les élus et agriculteurs présents. Comme Alain Brousse, en charge du foncier à la FDSEA, qui lui a remis officiellement un courrier faisant état de l’incompatibilité entre les objectifs de la DREAL*, qui veut doubler les espaces perdus dans le cadre des trames vertes et bleues, et ceux de la CDCEA**, qui veut préserver l’espace agricole. Deux organismes d’État aux vues diamétralement opposées…

Ce fut aussi l’occasion de rectifier quelques a priori. À un Préfet qui déclarait que, statistiquement, il n’y avait pas de lien entre classement en Zone Vulnérable et fragilisation des élevages, on lui répondait par 2 constats : la prolongation de la durée de stockage des effluents d’élevage représente un investissement de 100.000 € minimum pour un éleveur, sans aucune plus-value économique derrière. Un chiffre ensuite : les disparitions d’élevage sont 16% plus élevées en Zone Vulnérable qu’ailleurs. Ou encore quand le préfet estimait que les cultures céréalières portaient plus de préjudice que l’élevage en matière de pollution azotée, il lui a été démontré qu’entre les points de captages à géographie variable, les dates et nombre des prélèvements, il était impossible d’invoquer la responsabilité plus importante de l’une ou l’autre des filières. Yvon Parayre a d’ailleurs rappelé que le Préfet s’était engagé à prendre en compte l’origine des pollutions (agricoles ou non) dans le zonage et s’est proposé de lui fournir toute l’aide de la Chambre d’Agriculture dans cet état des lieux.

Dans ces conditions, la matinée est (trop) vite passée. Mais les échanges se sont poursuivis pendant le repas « à la bonne franquette », composé de produits issus des exploitations locales. Très disponible, Henri-Michel Comet a répondu sans façon aux nombreuses questions des participants et fait la preuve qu’il maitrisait incontestablement la plupart des dossiers qui lui étaient soumis. Un cas suffisamment rare qui méritait bien d’être souligné.

* Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
** Commission Départementale de Consommation des Espaces Agricoles

Petites phrases du Préfet
  • Retenues d’eau : « Si on a arrêté de rêver pour Charlas, la rehausse du lac de Montbel et l’aqueduc entre la Ganguise et Montbel font l’objet de discussions que je pourrais qualifier de « fructueuses »… »
  • Installation : « Le Conseil Général devrait être plus regardant sur la viabilité économique des installations qu’il subventionne. »
  • Lait : « La suppression de la taxe sur les dépassements de quota est grave. Mais ce qui me fait le plus peur, c’est la fin des quotas laitiers. Je me demande comment la région pourra s’en sortir. »
  • Organisme Unique : « Sur le bassin Adour-Garonne, il y a eu des accords entre les organismes partout, sauf en Haute-Garonne. C’est un manque de concertation regrettable qui devrait être réglé au plus vite. »
  • Foncier : « Le Gouvernement réfléchit à doter la CDCEA de moyens juridiques et législatifs plus importants qu’un simple avis consultatif. »
  • Zones défavorisées : « Il y a une discussion nationale à ce sujet. La DDT 31 a fortement interpellé l’État sur les conséquences dramatiques en cas de non-prise en compte de la cohérence socio-économique dans le calcul de l’ICHN. »


Auteur de l’article : Sébastien Garcia