L’élevage régional met le cap sur l’agroécologie

Publié le 5 décembre 2015

Alors que le réchauffement climatique est au cœur de l’actualité avec la COP21 à Paris, les acteurs de l’élevage en Midi-Pyrénées se sont réunis ce vendredi 4 décembre à Toulouse pour réfléchir aux perspectives et aux opportunités offertes par l’agroécologie dans les filières animales. Définition de l’agroécologie, place dans les programmes de financement, mise en application sur des exploitations, les sujets abordés ont été nombreux et ont captivé l’attention de la centaine de représentants des acteurs agricoles de la région (chambres d’agriculture, coopératives, associations d’éleveurs, lycée agricole…).

François Toulis, Président du GIE Promotion de l’élevage Midi-Pyrénées à l’origine de cette journée, a ouvert la journée en rappelant la place de l’élevage dans la nouvelle grande région où plus de 50% de la SAU* sont utilisés par les différentes filières animales. Les systèmes d’élevage diversifiés de notre région participent à la préservation des paysages et de la biodiversité, mais également à la production d’énergie et à la valorisation des effluents d’élevage. Jean-Pierre Arcoutel, Président de Coop de France Midi-Pyrénées, a quant à lui tenu à souligner le travail réalisé entre partenaires en région, notamment avec la DRAAF et l’Agence de l’eau Adour-Garonne. Ces relations de travail sont une richesse pour l’agriculture régionale qu’il faudra conserver dans la nouvelle région.

L’agroécologie : des systèmes productifs adaptés à leur environnement

Laurence Lamothe et Vincent Thénard, chercheurs à l’INRA, ont présenté les principes de l’agroécologie. Ils la définissent comme un système d’exploitation productif, qui assure la reproduction des ressources naturelles et économe en intrants. Cela implique un recours accru à des régulations biologiques, une relation au risque modifiée et une nécessaire réorganisation du travail sur l’exploitation. Plutôt que de délivrer un système clé-en-main visant à compenser les contraintes du milieu, l’agroécologie vise à valoriser le milieu et est un moyen pour aller vers des systèmes d’élevage plus durables. En ce sens, il n’existe pas de solution unique mais des principes généraux à décliner localement. L’agroécologie implique donc de nombreux changements. Il est nécessaire « d’outiller » la transition pour accompagner à la fois les éleveurs déjà engagés dans des démarches innovantes et également le plus grand nombre. Pour cela, il est nécessaire de lever les verrous : accompagnement du risque, création et diffusion de références, prix rémunérateurs, réglementations, organisation des filières… Il est en particulier primordial de changer les cadres de la recherche et de la formation vers plus de pluridisciplinarité et de partenariats, en tenant compte des savoirs locaux et de la capacité d’innovation de chaque acteur et en particulier des agriculteurs.

En ce sens, la Chambre Régionale d’Agriculture a été missionnée par la DRAAF pour mener une mission exploratrice. Elle consistait à recenser les attentes et les besoins des acteurs dans l’objectif de co-construire un référentiel des bonnes pratiques en agroécologie. À l’issue des premiers entretiens avec 34 acteurs agricoles régionaux (Chambres d’Agriculture, coopératives, lycées, OPA, instituts techniques…), la volonté de construire un projet multi-partenarial ne fait aucun doute. Il pourrait s’agir d’un dispositif de repérage de l’innovation chez les agriculteurs et de qualification de ces innovations par capitalisation ou par mise à l’épreuve via des « réseaux de l’innovation ».

Quelle place dans les programmes de financement ?

François Toulis a insisté sur la nécessaire adaptation des textes réglementaires pour ne pas entraver les initiatives des éleveurs
François Toulis a insisté sur la nécessaire adaptation des textes réglementaires pour ne pas entraver les initiatives des éleveurs.

Le ministre de l’agriculture affiche clairement sa volonté de faire de l’agroécologie une force pour la France. Il s’est fixé l’objectif d’engager la majorité des exploitations françaises dans la démarche d’ici 2025, avec la mise en place de 7 plans spécifiques : Ecophyto, Ecoantibio, Azote/méthanisation, Apiculture durable, Protéines végétales et Ambition Bio 2017. Un des enjeux réside dans la grande complexité du système de gouvernance institutionnel actuel du projet. L’État aussi doit innover et modifier ses pratiques pour plus de cohérence entre les différentes politiques publiques et pour mettre en place des outils efficients. Consciente de cet enjeu, la DRAAF Midi-Pyrénées mène un travail inter-services depuis 2 ans, qui consiste notamment à vérifier la cohérence des appels à projet. Elle travaille également sur ce sujet avec d’autres partenaires, comme le Conseil Régional. Un des principaux outils du projet agroécologique pour la France est la mise en place des GIEE, dans le cadre de la loi d’avenir. A ce jour, 25 groupements ont été reconnus par la DRAAF en Midi-Pyrénées et permettent aux agriculteurs engagés dans ces démarches de bénéficier de priorités dans différents appels à projet, comme le PCAE par exemple. Une mesure « Coopération entre acteurs pour promouvoir l’innovation » est également financée par l’État et vise notamment à accompagner le GO PEI avec une enveloppe régionale d’un million d’euros.

D’autres financeurs publics accompagnent le changement de pratique dans le cadre de l’agroécologie. C’est le cas par exemple de l’Agence de l’eau Adour-Garonne. Elle apporte ainsi des aides aux actions collectives (journée « Bout de champs », formation…) et individuelles (diagnostic d’exploitation, MAET, PCAE…). Depuis peu, elle finance également le traitement du digestat issu d’une unité de méthanisation en Zones Vulnérables et l’épandage. Elle intervient enfin dans l’appui à la promotion, au développement et à la pérennisation d’une filière développant des systèmes de production pertinents (réduction des intrants et du risque de pollution). L’ADEME peut également intervenir, notamment dans les projets de compostage, méthanisation et compréhension du sol.

Une richesse de témoignages et un partage d’expérience

L’après-midi a été consacrée à des témoignages d’éleveurs engagés dans un changement de pratique. Parmi les nombreuses thématiques, on retrouvait la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la méthanisation, le co-compostage collectif, l’autonomie fourragère et protéique, l’optimisation du pâturage ou encore la réduction des intrants médicamenteux par une approche globale alliant vie du sol, vie végétale et vie animale. Principal point commun entre ces divers témoignages, la passion des éleveurs, mais également l’importance attachée à l’aspect économique des réflexions menées sur leurs exploitations. Le travail multipartenarial est aussi une clé de la réussite, comme le soulignait Hubert Majesté, éleveur laitier, dans son témoignage. « Il faut créer l’envie et nous avons besoin de tout le monde pour faire avancer l’agroécologie ».

François Toulis a tenu à souligner la richesse des différentes interventions qui se sont succédé tout au long de la journée. « Dans le monde agricole, on aime bien regarder ce que fait le voisin », concluait-il. « L’agroécologie peut être une solution pour nos élevages, mais pour cela, il est important de partager, d’aller voir ailleurs et d’apprendre. »

 

*Glossaire
SAU : Surface Agricole Utile
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
DRAAF : Direction Régionale de l’Agroalimentaire, de l’Agriculture et de la Forêt
OPA : Organisation Professionnelle Agricole
GIEE : Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental
PCAE : Plan pour la Compétitivité et l’Adaptation des Exploitations agricoles
GO PEI : Groupes Opérationnels Partenariat Européen pour l’Innovation
MAET : Mesures Agro-Environnementales Territorialisées
ADEME : Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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