Qui voudra des poules de Madame Renard ?

Publié le 30 juillet 2015

Amélie Renard n’est pas du genre à se laisser abattre… Mais 4 années à batailler risquent aujourd’hui d’avoir raison de son enthousiasme et de sa motivation. En situation précaire depuis longtemps, cette quadragénaire toulousaine rêve de créer son élevage de volailles et de se lancer dans la vente directe d’œufs, de poules et de poulets.

Un projet bien ficelé…

Une fois les grandes lignes de son projet arrêtées, Amélie Renard passe aux choses sérieuses en 2011. Il lui faut se former, trouver des financements, trouver un terrain, y construire un bâtiment d’élevage et mettre en place un réseau de clients. Elle apprend les bases du métier et présente son projet à la Chambre d’Agriculture, ainsi qu’à plusieurs organismes et associations. Ayant de très modestes revenus, démarrer un élevage peut vite s’avérer compliqué. Mais Amélie Renard croit à son idée, en ses capacités, et sait faire partager son enthousiasme. Son projet plait et des associations comme « La Toile blanche » ou « Parle avec elle » décident de l’épauler dans ses démarches. Résultat, elle parvient à rassembler 7.500 € de subventions de l’AGEFIPH* et l’ADIE**. Cette dernière et la « Fondation 2ème Chance » lui octroient respectivement un prêt de 6.000 et 8.000 €. Au total, elle dispose d’un budget de 23.000 € qui devraient lui permettre de se lancer. Reste à trouver le terrain. Et c’est là que les choses se gâtent.

… mais des origines qui fâchent

Amélie Renard a décidé de ne pas le cacher : elle habite à Ginestou, au nord de Toulouse. Un groupe d’une soixantaine de maisons où ont été installées des familles de la communauté des gens du voyage, en 2004. « La vie n’y est pas très rose », lâche-t-elle. « L’environnement est très dégradé et l’ambiance est souvent tendue. J’ai quand même réussi à élever convenablement mes enfants, qui ont aujourd’hui un emploi stable. Je veux à mon tour en sortir et ne plus dépendre de l’aide sociale. Gagner ma vie, avoir mon entreprise et transmettre, plus tard, quelque chose de concret à mes enfants, c’est tout ce que je souhaite. » Mais cet héritage pèse lourd. Beaucoup plus qu’elle n’aurait pu le penser. Alors que son dossier est solide, elle se voit refuser chaque opportunité d’achat de terrain, dès lors que la mairie apprend qu’elle est « gitane ». « Les élus locaux ont peur de voir arriver des caravanes au lieu de poules », soupire-t-elle. « Je comprends leur réaction, quelque part. Mais, je pensais qu’avec la rigueur du dossier que j’ai monté, les soutiens de plusieurs associations réputées sérieuses et mes garanties financières, je parviendrais à convaincre du bien fondé de ma démarche. Mais les préjugés ont la vie dure. »

À un hectare et demi du bonheur

1,5 ha, c’est la surface minimum pour pouvoir s’installer. Pas de quoi fouetter un chat et pourtant, Amélie Renard ne l’a pas trouvée après 3 ans de recherches. Elle a écumé une bonne partie des communes du nord toulousain, où elle souhaite s’installer pour des questions de proximité, de budget mais aussi de concurrence. Elle y a rencontré ses maires et conseillers, démarché la SAFER, mobilisé des élus du Conseil Départemental et du Conseil Régional, sollicité les médias… Sans résultat jusqu’à présent. « C’est lassant mais je continue », assure-t-elle. « Je pourrais cacher mes origines, mais je ne veux pas mentir ou nier d’où je viens. Je finirai bien par trouver quelqu’un qui me fera confiance et me permettra de me sortir d’un milieu qui me pèse trop. » Du côté de la SAFER, on y croit également. Contacté par la rédaction, Christian Roussel, directeur des services SAFER Ariège et Haute-Garonne, ne perd pas espoir. « Le projet est intéressant », déclare-t-il. « Madame Renard compte vendre une partie de sa production en vif auprès de la communauté des gens du voyage qu’elle connaît bien. L’autre partie sera écoulée auprès des particuliers, dans un local aménagé sur place, sur les marchés des environs et en AMAP. Une des difficultés vient aussi du fait qu’elle recherche un type de terrain bien précis : éloigné des habitations mais pas trop isolé pour être accessible aux riverains, avec un accès à l’électricité, etc. C’est moins facile à trouver. Ceci dit, je reconnais que les propriétaires et les élus ont parfois du mal à dépasser leur réticence. Mais nous nous employons à les convaincre. Après tous les efforts qu’elle a déployés, elle le mérite. On va y arriver. »

Mais la patience et l’espoir ont leur limite : celle du temps. En effet, les subventions ont été accordées en 2013 et certains organismes pensent ne pas pouvoir immobiliser trop longtemps ces fonds. Si ce dossier ne se concrétise pas d’ici la fin de l’année, ces sommes seront réaffectées à d’autres projets. Une mésaventure déjà vécue par Amélie Renard. « J’avais droit à la DJA », explique-t-elle. « Mais comme mes démarches se sont enlisées avec la recherche d’un terrain, j’ai dépassé l’âge limite et perdu ce financement. Plus le temps passe, plus mon projet sera difficile à financer. » Elle compte désormais sur une large communication autour de sa problématique pour sortir de l’impasse et voir enfin grandir ses poules rousses et ses cous nu du Forez, les deux races qu’elle veut élever. Si vous êtes en situation de l’aider dans ses démarches, n’hésitez pas. Un coup de pouce serait plus que bienvenu.

 

* Association pour le Droit à l’Initiative Économique
** Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia