Un chaulage aux effets spectaculaires

Publié le 29 juillet 2012

« Une vraie désolation. Rien ne poussait ici ! » Jean-Louis Izard se souvient encore de l’état, un an plus tôt, de la parcelle qu’il avait récupérée d’un oncle. Jamais ce céréalier de Caraman n’aurait pensé obtenir si rapidement le beau blé, dense et haut, devant lequel il se tient aujourd’hui.

Indispensable analyse de sol

Une fois n’est pas coutume, lançons-nous quelques fleurs. C’est en effet à la lecture d’un témoignage de Ferdinand Johan dans un numéro du Trait d’Union Paysan de l’an dernier que Jean-Louis Izard a soupçonné l’acidité du sol d’être responsable de l’état de ses cultures, même s’il se trouve dans le Lauragais, pourtant à dominante argileuse. Il appelle alors Sébastien Ghiglia, responsable du secteur Saint Félix/Caraman chez Arterris, afin de planifier un épandage massif de chaux. Contacté par ce dernier, Jean-Christophe Patapy, de la société MEAC, conseille à Jean-Louis Izard de réaliser une analyse de sol préalablement à toute intervention. « Ce qui marche chez un agriculteur n’est pas forcément reconductible chez un autre », rappelle-t-il. « Seule une, voire plusieurs analyses de sol peuvent déterminer la nature des carences et les types et quantité de fertilisant à apporter. Surtout que ces données peuvent varier de manière très importante à l’intérieur d’une même parcelle. » Chez Jean-Louis Izard, ce seront 2 analyses, une sur l’horizon 0-10 cm et l’autre à 10-20 cm, qui seront faites par le laboratoire Galys, à Toulouse. En effet, l’exploitant conduisant ses cultures en TCS (techniques culturales simplifiées), il s’agissait de voir si seule la surface était concernée ou non. Le résultat tombe : avec 4,8 de pH, c’est bien l’ensemble du profil qui souffre d’une trop grande acidité. Le conseil technique de Jean-Christophe Patapy, validé par Arvalis Institut du Végétal, sera d’apporter 3.500 unités/ha de CaO (chaux dite « éteinte »), soit en 6 et 7 tonnes de carbonates en poudre.

Labour léger recommandé

Jean-Louis Izard apportera 6 tonnes/ha de Carbodoc 110 en septembre dernier. « Si j’ai suivi les recommandations en termes de quantité, je n’ai pas chaulé l’intégralité de ma parcelle », reconnaît-il. « Mais quand je vois le résultat, je me dis que j’aurais dû tout faire. Ceci dit, commander une semi-remorque de 27 tonnes d’un coup, ça semble énorme, en quantité et en prix. Il n’en fallait pourtant pas moins. » Sur place, un simple regard suffit à constater l’efficacité de l’intervention. Les 6 ha non chaulés (sur les 11 que compte sa parcelle), le blé est rachitique et rare. On voit parfaitement où l’épandeur s’est arrêté.

En arrière plan, on constate que le blé chaulé exprime son plein potentiel alors qu’au premier plan, le blé ne s’est pas développé.
En arrière plan, on constate que le blé chaulé exprime son plein potentiel alors qu’au premier plan, le blé ne s’est pas développé.

« Cette année, je ne me pose pas de questions », déclare l’exploitant. « Je recommence, sur tout le reste de la parcelle. » Après épandage, l’exploitant a seulement passé deux coups de covercrop pour enfouir un peu l’amendement. Très attentif aux travaux et aux expériences de Pierre Castillon en la matière, Jean-Christophe Patapy conseille plutôt un travail du sol adapté sur les 15 à 18 cm, ce qui va permettre de répartir le produit de manière homogène. En effet, la lixiviation du calcium (son extraction par l’action de l’eau) est très lente. Il est donc nécessaire de favoriser cette répartition par une action mécanique.

L’agronomie paie

« C’est vrai que ça fait des sous à sortir », reconnaît le céréalier. « Le chaulage m’a coûté 600 €/ha. J’estime donc que, cette année, j’aurai une marge brute nulle. Mais l’an passé, avec les semences, les passages de travail du sol et de traitements, etc., la marge finale était de – 300 €. Je n’avais quasiment rien ramassé ! Là, j’ai investi de manière à rééquilibrer mon sol et lui permettre de produire et de me dégager une marge brute positive, dès l’an prochain. » Sans compter que les amendements sont amortissables en comptabilité. L’intérêt est donc évident. Toutefois, Jean-Christophe Patapy le martèle à nouveau : « Il ne faut pas chauler pour chauler ! Faites faire des analyses de sol là où vous sentez qu’il y a problème. Ce diagnostic permet de mesurer l’état de fertilité de son sol en calcium, magnésie, potasse, phosphore et certains oligoéléments. Ensuite, le choix du produit est primordial. L’IPA renseigne sur la capacité du produit proposé à atteindre un objectif de saturation (exemple 90%). Un amendement qui ne possède pas d’IPA ne garantit pas son efficience. Faites attention, enfin, aux étiquettes que l’on trouve sur certains produits. La valeur neutralisante ne renseigne que sur la teneur en équivalent calcium et/ou magnésie, mais pas sur l’efficacité du produit. Rapprochez-vous de vos techniciens de coopérative ou de Chambre d’Agriculture pour une aide au prélèvement des échantillons de terre et/ou un conseil adapté à votre situation. C’est votre meilleure garantie pour que votre investissement serve réellement à quelque chose. »

Le point de vue de…
Bruno Félix-Faure, Animateur du groupe chaulage au COMIFER*
« Beaucoup de monde pense encore qu’un chaulage progressif ou d’entretien suffit pour remonter un sol acide. Pour le COMIFER, c’est une erreur et une perte d’argent. Pour un sol avec un pH inférieur à 5, il faut un apport réellement conséquent et en une fois, pour rétablir la situation. C’est la meilleure solution agronomique mais aussi économique, puisque l’agriculteur ne paiera les frais d’épandage (déplacement, gas-oil,…) qu’une fois. »

* Comité français d’études et de développement de la fertilisation raisonnée

Auteur de l’article : Sébastien Garcia