Stevia, le sucre au naturel

Publié le 27 mars 2011

Ramenée par les conquistadors puis tombée dans l’oubli jusqu’il y a peu, la stevia rebaudiana est une plante qui fait de plus en plus parler d’elle. Et pour cause, avec un pouvoir sucrant jusqu’à 300 fois plus élevé que le sucre de canne, elle pourrait bien révolutionner l’industrie alimentaire ! En Haute-Garonne, un horticulteur suit de très près les tribulations de cette plante « miracle » (voir page suivante). Jean-Pierre Fauré, installé dans le centre-ville de Revel, a tout de suite compris le potentiel de cet « or vert » venu d’Amérique du Sud.

Plaisirs sucrés sans risques

« J’ai découvert la stevia rebaudiana, il y a 4 ans », explique-t-il. « À cette époque, sa commercialisation était interdite en France, sauf en tant que plante horticole, sous la pression de l’industrie sucrière (betterave et canne à sucre). Mais les choses commençaient à bouger, étant donné que Coca-Cola, Pepsi et Danone lançaient leurs premiers produits à base de stevia. Comme plusieurs maraîchers bio me demandaient des plants depuis longtemps, j’ai voulu tester la multiplication de la stevia à mon petit niveau. Quand la France a enfin autorisé son utilisation en tant qu’additif alimentaire, en janvier 2010, j’étais prêt à me lancer. J’ai collaboré avec la société Ducrettet, une des meilleures en matière de germination de plantes et leader mondial sur la stevia, pour multiplier une de leurs variétés, particulièrement riche en rébaudioside A (édulcorant naturel de la plante). Mes premiers plants sont sortis en septembre dernier. Depuis, j’ai déjà eu de nombreux retours sur ses propriétés et son potentiel. » Et aux dires de l’horticulteur, c’est « du lourd » ! Actuellement, les acheteurs de sa production sont essentiellement des diabétiques. « Je reçois toutes les semaines des remerciements de personnes qui n’avaient pas eu le goût du sucre en bouche depuis des années et qui retrouvent le plaisir de manger sucré, sans danger pour eux. Sans compter qu’on peut en prendre sans risque de prise de poids non plus. Les japonais en consomment depuis bientôt 50 ans, entre autre pour cette raison. » Jean-Pierre Fauré est également en train de développer une toute autre clientèle : les restaurateurs de la région. Et dans le domaine gastronomique, les propriétés de la stevia ne cessent de le surprendre. Il s’est ainsi rendu compte que la congélation des feuilles de stevia décuplait son pouvoir sucrant. En frais, les pâtissiers qui ont testé ses plantes utilisent 10 feuilles pour sucrer un litre de lait. Alors qu’une fois congelées, il n’en faut qu’une et demie pour le même résultat… Des propriétés qui commencent aussi à séduire les agriculteurs du secteur. Aline et Fernand Batigne, agriculteurs à Saint Félix de Lauragais (ferme Maymès) viennent ainsi de lui passer commande de 20.000 plants de stevia, qu’ils vont les implanter dans l’Aude, en bordure de rigole. La production sera ensuite commercialisée au détail, sur des marchés de Toulouse, ou expédiée en frais, sec ou congelé, auprès de 2.000 restaurants dans toute la France.

Horticulteur recherche partenaires ambitieux

Pour Jean-Pierre Fauré, il y a une réelle opportunité à saisir autour de la stevia. Mais tout reste à construire. C’est pourquoi il s’est tourné vers Biovallée Lauragais, le pôle bio créé par Alain Chatillon, sénateur maire de Revel. « Avec moi, Biovallée a un multiplicateur de jeunes plants sur place. Il manque juste tout le reste », sourit l’horticulteur. « C’est-à-dire l’implication du département, de la région, de la Chambre d’Agriculture et des agriculteurs, des industriels et des banques. » Autant dire qu’il va falloir mettre les bouchées doubles, d’autant plus que, selon Jean-Pierre Fauré, on ne dispose que de trois ans pour être parés. « Après il sera trop tard », estime-t-il. « D’une part, la région Languedoc-Roussillon est déjà sur les rangs pour une production d’importance et d’autre part, des filières d’approvisionnement depuis l’Amérique du sud se mettent en place pour les industriels de l’agroalimentaire et les laboratoires pharmaceutiques. Midi-Pyrénées a pourtant des atouts à faire valoir, notamment en termes de disponibilités en eau – indispensable pour la stevia – que n’a pas le Languedoc-Roussillon. C’est pourquoi il nous faut faire des essais et tests de faisabilité, voir si la culture sur de grandes surfaces est techniquement et économiquement viable. Dans le même temps, il faut mener des études sur la transformation et les débouchés industriels de la plante. Et trouver le produit innovant qui lancera le marché… » Une chose est sûre, malgré son optimisme, Jean-Pierre Fauré ne pourra rien faire seul. Il espère donc que les choses vont s’accélérer. D’autant que le soutien d’un partenaire économique de poids peut vraiment donner un sérieux coup d’accélérateur au projet. « Un exemple : créer un hybride plus adapté à nos régions représenterait un pas décisif », poursuit Jean-Pierre Fauré. « Pour l’heure, Ducrettet est le plus avancé dans ce domaine. Or si le stevia du lagais prend de l’ampleur, Ducrettet est prêt à mettre de gros moyens sur cette recherche et nous fournir les premiers hybrides. Autre exemple, AgriGaronne, distributeur exclusif de la société Fertiss, leader de la motte prête à l’emploi pour la multiplication de végétaux, s’est dit prêt à bloquer une usine entière pour la fabrication d’une motte bio pour la stevia, à condition d’avoir un minimum de 50.000 mottes. Je vous garantis qu’à partir du moment où on se mettra en ordre de marche, on aura un marché énorme à notre portée ! »

Reste que le temps presse. Jean-Pierre Fauré a déjà rencontré de nombreux acteurs économiques et techniques et continue de remuer ciel et terre autour de son projet Stevia. Il ne manque qu’un déclencheur, politique ou industriel, pour donner naissance à ce qui pourrait bien être une fantastique aventure pour le Lauragais.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia